Résumé : Cette étude essaie d’explorer la politique de Xénophon fondée sur la maîtrise de soi (enkrateia), à la lumière de la théorie de H. Arendt. À l’appui de l’anthropologie politique de Xénophon, on constate que la vie ascétique qui y...
moreRésumé : Cette étude essaie d’explorer la politique de Xénophon fondée sur la maîtrise de soi (enkrateia), à la lumière de la théorie de H. Arendt. À l’appui de l’anthropologie politique de Xénophon, on constate que la vie ascétique qui y caractérise le chef idéal, incarné par le Cyrus de la Cyropédie, abolit le sens de la politique qui, selon Arendt, fut créé avec la polis pré-philosophique. Aussi, l’askèsis xénophontienne se trouve-t-elle tout à fait compatible avec la soumission de la communauté humaine aux finalités de l’animal laborans arendtien. Jugé d’après sa virilité, conformément à l’idéal de l’enkrateia, l’homme capable de gouverner s’identifie avec le guerrier invincible dans la lutte pour la souveraineté, et le père nourricier de ses sujets infantilisés. En cela, l’amour pour la gloire, qui rend raison de la vie austère du maître de soi, s’avère être le désir de dominer et de priver les autres de leurs capacités spécifiquement humaines selon la distinction arendtienne des activités. De cette sorte, l’ambition du Cyrus, dominateur de ses passions corporelles, n’a rien à voir avec la passion pour la distinction du citoyen d’Arendt. Issue du souci de soi, la politique de l’enkratès chez Xénophon demeure étrangère à l’amour du monde qui caractérise l’« élite » politique d’Arendt.
The ascetic prince of Xenophon and the politics according to Hannah Arendt
Summary : This study attempts to explore the political thought of Xenophon, based on mastery over the self (enkrateia), in the light of the theory of Hannah Arendt. In support of Xenophon’s political anthropology, we find that the ascetic life which characterizes the ideal leader, embodied by Cyrus in Cyropaedia, abolishes the meaning of politics, created with pre-philosophical polis according to Arendt. Also, Xenophon’s conception of askēsis appears entirely consistent with the submission of the human community to the goals of the arendtian animal laborans. Judged from his virility, essential component of the ideal of enkrateia, the man capable of leadership is identified with the invincible warrior in the struggle for sovereignty, and the foster-father of his infantilized subjects. Therefore, the love of fame, which justifies the austere life, proves to be the desire to dominate others and so deprive them of their prominently human capacities according to Arendt’s distinction of activities. The ambition of Cyrus, master of his bodily passions, has nothing to do with the passion for distinction of Arendt’s citizen. Sprung from the care of the self, the political attitude of Xenophon’s enkratēs remains irrelevant to the love of the world, characteristic of Arendt’s frugal political « élites ».