Thesis Chapters by Jonathan THOMAS
Books by Jonathan THOMAS
La base de données ≪ PS.XX : La propagande sonore enregistrée au XXe siècle ≫, dont l’accès libre... more La base de données ≪ PS.XX : La propagande sonore enregistrée au XXe siècle ≫, dont l’accès libre sera offert en ligne, sera la première à renseigner les supports sonores enregistrés diffusés tout au long du XXe siècle par les organisations politiques et syndicales françaises. Produits timidement dès la fin des années 1900, explosant leur nombre et variant leurs contenus pendant les années 1930, distribués en grand nombre après la Seconde Guerre mondiale au cours des campagnes électorales ou dans les moments plus faibles de la vie partisane, ces supports conservent les traces des pratiques oratoires, des chants, des musiques, et, finalement, de l’esthétique sonore des pratiques politiques. Ils font aussi traces des modalités d’usages politiques du son enregistré, ainsi considéré comme un puissant instrument de propagande par des organisations telles que la SFIO (Ersa/La Voix des Nôtres), le Parti socialiste (Uniteledis), la CGT (Ersa/La Voix du Travail), la SFIC (COTSF/Piatiletka/La Voix du Peuple ; Le Chant du Monde), le Parti communiste français (La Voix de Chez Nous ; La Voix du PCF ; Le Chant du Monde ; Editions du PCF ; Unicité), l’Action française (Disques Hébertot) ou le Front national (Serp). Leur existence a pourtant été oubliée, et leur rôle dans la stratégie d’existence des organisations politiques jusqu’à présent négligé. Leur conservation dans des institutions éparses ne permet pas toujours leur consultation et ne renseigne ni leur contexte d’usage, ni leur dimension de corpus. Respectant les principes F.A.I.R. (Facile à trouver, Accessible, Interopérable et Réutilisable), PS.XX entend mettre en valeur le patrimoine des voix parlées et chantées de la politique française, favoriser leur consultation, communiquer leurs histoires, et surtout encourager leur exploration comme objets de connaissances historiques, anthropologiques et politiques.
Projet hébergé par le Cral (EHESS/CNRS) et soutenu par la Région Ile-de-France dans le cadre du Domaine d’intérêt majeur « Matériaux anciens et patrimoniaux » en partenariat avec le Département son, vidéo, multimédia de la BnF, le Pôle numérique recherche de l’EHESS, et le Larhra (ENS-Lyon).
Au début des années 1960, alors que l’extrême droite française est en crise, Jean-Marie Le Pen fo... more Au début des années 1960, alors que l’extrême droite française est en crise, Jean-Marie Le Pen fonde la Serp (Société d’études et de relations publiques). Maison de disque subversive, elle deviendra un agent central de la propagande culturelle du Front national et de son fondateur pendant plus de trente ans.
Par leurs choix de musiques et de documents historiques édités, d’images et de textes de pochette, les disques de la Serp deviennent le relais d’une politique du ressentiment et d’une révision de l’histoire récente. Jonathan Thomas propose une analyse inédite de la mobilisation du disque par l’extrême droite et redécouvre ainsi un pan oublié de l’histoire du disque politique en France.
Papers by Jonathan THOMAS
Transposition, 2018
Capter le son, en conserver la trace et la reproduire, voilà trois opérations qui, depuis qu'elle... more Capter le son, en conserver la trace et la reproduire, voilà trois opérations qui, depuis qu'elles ont été progressivement rendues possibles puis raffinées à partir du milieu du XIX e siècle, ont étendu le champ de la préhension et de la manipulation de son environnement sonore par l'homme. Et cette capacité, tel que l'a déjà montré Jonathan Sterne 1 , n'est pas et n'a jamais été sans conséquence ni pour ceux qui la mettent en oeuvre ni pour ce qui est mis en oeuvre par elle. La possibilité d'enregistrer le son et d'en faire usage a en effet modifié les pratiques sociales et sonores déjà existantes, en a fait émerger d'autres, a participé et participe toujours à l'élaboration constante de cultures sonores et à la dimension sonore des cultures. Par ailleurs, l'enregistrement du son ne le restitue ni ne le répète jamais tel qu'il fut. Il constitue donc une opération problématique, qui l'est peut-être plus encore quand elle s'attache à la musique, cette pratique artistique autant sociale qu'individuelle dont les productions et les performances n'avaient, avant l'invention du phonographe, jamais eu besoin d'être enregistrées pour exister. 2 L'enregistrement de la musique est ainsi un vaste terrain de recherche, qui a donné naissance à « un nouveau secteur disciplinaire, parfois appelé "musicologie de l'enregistrement" ou "phonomusicologie" » (p. 7). Il est investi depuis plusieurs années par le groupe de travail « Musique et enregistrement » du Groupe de recherche sur Alessandro Arbo & Pierre-Emmanuel Lephay (eds), Quand l'enregistrement change...
Revista de História, 2023
Cet article présente une synthèse de mes recherches sur les disques de propagande produits
en Fra... more Cet article présente une synthèse de mes recherches sur les disques de propagande produits
en France au 20e siècle. Il introduit le nouveau concept de « médiateur fluide», qui
décrit la capacité de ces disques, porteurs de cultures politiques sonores, à se faire entendre
dans des espaces sociaux hostiles à ces cultures. À partir de cas historiques, cette
capacité est analysée au prisme de l’imaginaire et des temporalités du disque et du son
enregistré.
Pendant l’entre-deux-guerres, le haut-parleur se fait, en France, de plus en plus présent. Alors ... more Pendant l’entre-deux-guerres, le haut-parleur se fait, en France, de plus en plus présent. Alors qu’il impose à chacun le son voulu par d’autres, il est autant un objet de détestation qu’un outil vite adopté et célébré par des pratiques politiques partisanes conduites à destination des masses. La violence de son régime d’écoute et son usage politique posent alors un paradoxe, interrogeant le fonctionnement du son publicisé, des pratiques politiques qui en usent, et de la démocratie d’alors.
Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine, 2022
À partir de la fin des années 1900, les organisations politiques ont utilisé des disques pour mod... more À partir de la fin des années 1900, les organisations politiques ont utilisé des disques pour moderniser ou consolider leur propagande en y ajoutant le son enregistré des discours et des chants partisans. Cette nouvelle forme de propagande, une « propagande sonore enregistrée », devient massive en France pendant les années 1930. Des maisons de disques, animées par des militantes et militants mais extérieures aux organisations politiques, constituent des catalogues socialistes, communistes, royalistes, ou syndicalistes. Plusieurs centaines de disques de discours, de chants ou de diction sont publiés pour amener le son de la politique dans les foyers, changer la dimension sonore des réunions partisanes, ou mener des opérations d’agitation. Offrant la possibilité d’entendre un orateur partout et tout le temps, le disque modifie le rapport des organisations politiques à l’espace, mais aussi et surtout au temps : temps de l’époque, temps de la vie démocratique, temps des pratiques partisanes. Ce faisant, le disque participe à changer les pratiques de communication de ces organisations. Cet article revient sur cet épisode méconnu de la vie politique française, en présente les actrices et les acteurs, examine les pratiques du disque en politique et leurs conséquences, donnant le ton de la propagande sonore enregistrée des décennies d’après-guerre.
Everyday Political Objects, 2021
Volume !, 2017
Active jusqu'en 1999, la Société d'Études et de Relations Publiques (SERP) est une maison d'éditi... more Active jusqu'en 1999, la Société d'Études et de Relations Publiques (SERP) est une maison d'édition phonographique fondée en 1963 par, entre autres, Jean-Marie Le Pen. Elle publie en disque vinyle, cassette audio et CD de nombreuses compilations thématiques de documents historiques, musiques et discours politiques, que leur conception éditoriale et leur orientation politique rendent mobilisables pour servir les pratiques politiques de Jean-Marie Le Pen puis de son parti, le Front national. Comme les autres contenus sonores du disque SERP, la musique est aussi employée, à travers un discours sur ses capacités signifiantes et son exploitation comme référent historique, mémoriel et identitaire, comme un outil politique. Cet article s'intéressera ainsi à l'usage du disque de musique par les acteurs d'une pratique politique. À travers des sources écrites (presse partisane) et discographiques (notes de pochette, écoute et caractérisation des enregistrements), il tentera de comprendre comment le disque SERP et sa musique deviennent les vecteurs de transmission des imaginaires mémoriels, identitaires et militants des diverses communautés d'extrême-droite invitées à soutenir la réalisation du projet politique de Jean-Marie Le Pen et du Front national.
Transposition, 2018
Ce document a été généré automatiquement le 14 novembre 2019. La revue Transposition est mise à d... more Ce document a été généré automatiquement le 14 novembre 2019. La revue Transposition est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution-Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International. 2 Un certain nombre d'ouvrages se sont déjà intéressés au chant comme « acteur de l'histoire 3 », soit en relevant les effets remarquables et ponctuels de ses usages symboliques lors d'évènements politiques 4, soit en s'attachant à un chantla Militer en chantant, sous l'oeil de la police parisienne des années 1930 : une...
Christopher Fletcher (ed) : Everyday Political Objects From the Middle Ages to the Contemporary World, 2021
This chapter focuses on one episode of the use of sound in a workers’ resistance movement is itse... more This chapter focuses on one episode of the use of sound in a workers’ resistance movement is itself an example of this development. Most of the usages Edison envisaged were centred on conversation and reproducing the human voice, and were not for entertainment purposes. Just six months later, in France, Pierre Giffard came up with ideas related to the political usages of recorded sound: For official speeches by the head of state, for any proclamation by the government, instead of turning to the Imprimerie Nationale to print the speech, it will suffice to have it reproduced by galvanoplasty and dispatched to all the towns, equipped in advance with a verified official phonograph. It was in 1929 that records took their full place in this technological and political shift, with the emergence of a company dedicated to this task, with a lasting catalogue of records produced by them and structured as a series.
Transposition. Musique et Sciences Sociales, 2018
À Paris, dans les années 1930, pourquoi les manifestants et les militants chantent-ils lorsqu’ils... more À Paris, dans les années 1930, pourquoi les manifestants et les militants chantent-ils lorsqu’ils se rassemblent dans la rue, ou qu’ils se réunissent lors de meetings ou de fêtes politiques ? Et pourquoi la police, qui surveille la vie politique partisane comme le lait sur le feu, ne cesse de faire mention du chant dans ses rapports et ses comptes rendus ? À partir d’une analyse qualitative des archives policières de la surveillance politique des années 1930, cet article tentera de répondre à ces deux questions. Il considèrera déjà qu’il existe un imaginaire de la puissance politique du chant, qui motive ses usages par les militants, lui attribue des effets sociaux et attire sur lui l’attention de la police. Puis il tentera de renseigner cet imaginaire, à travers l’exploration d’un corpus d’usages politiques du chant. Pour enfin investir son fonctionnement politique, cet article proposera ensuite quelques routines de la manipulation du chant par ses chanteurs, celles-ci leur désignant leurs possibilités d’action sur une situation politique pratique. Il tentera ainsi de comprendre comment et à quelles fins le chant peut être employé pour servir de façon déterminante une pratique politique.
Analitica. Rivista Online di Studi Musicali, 2017
Active jusqu’en 1999, la Société d’Études et de Relations Publiques (SERP) est une maison d’éditi... more Active jusqu’en 1999, la Société d’Études et de Relations Publiques (SERP) est une maison d’édition phonographique fondée notamment par Jean-Marie Le Pen en 1963. Elle publie en disques vinyle, cassette audio et CD de nombreuses compilations thématiques de documents historiques, musiques et discours politiques, que leur conception éditoriale et leur orientation politique rendent mobilisables pour servir les pratiques politiques de Jean-Marie Le Pen puis de son parti, le Front national. Comme les autres contenus sonores du disque SERP, la musique est aussi, à travers un discours sur ses capacités signifiantes et son exploitation comme référent historique, mémoriel et identitaire, employée comme un outil politique. Cet article s’intéressera, après une présentation historique de la SERP, à l’usage du disque de musique par les acteurs d’une pratique politique. À travers des sources écrites (presse partisane) et discographiques (notes de pochette, écoute et caractérisation des enregistrements), il tentera de comprendre comment le disque SERP et sa musique deviennent les vecteurs de transmission des imaginaires mémoriels, identitaires et militants des diverses communautés d’extrême-droite invitées à soutenir la réalisation du projet politique de Jean-Marie Le Pen et du Front national.
Talks by Jonathan THOMAS
Johann Christian Bach VS Fianso : qu’est-ce qu’une musique « actuelle » ?
Si nous suivons Philip... more Johann Christian Bach VS Fianso : qu’est-ce qu’une musique « actuelle » ?
Si nous suivons Philippe Le Guern, l’expression « musiques actuelles » désigne, en France et depuis les années 1990, une catégorie rassemblant des genres musicaux hétérogènes et contemporains, née de la mobilisation de ces genres par des politiques culturelles. Une musique serait ainsi « actuelle » quand elle permettrait à une institution publique d’agir sur un public pour le faire agir, et qu’elle ne serait pas de la musique classique. Un tel postulat ne dit toutefois pas comment et ce qu’il faut à une musique pour exister, en performance, comme une musique actuelle. Je propose d’interroger la dimension politique constitutive de cette catégorie à travers mon expérience de spectateur d’un festival de musique organisé par une mairie de Seine-Saint-Denis.
Ce festival d’été en plein air proposait, sur une journée, une alternance de concerts de musique classique et de rap. Considérant le public, la diversité des âges associée aux attachements stéréotypiques des plus âgés à la musique classique et des plus jeunes, nombreux, au rap, laisse deviner le but recherché par cet effort de politique culturelle : faire se rassembler et échanger des publics séparés par leur culture esthétique, leur appartenance générationnelle, et, probablement, leur situation géographique dans la ville.
J’assiste à tout ou partie des deux derniers concerts et constate que cette opération est malaisée. Les présentateurs du festival introduisent le premier concert – des pièces de J.C. Bach et F. Schubert pour chœur et orchestre – auprès du jeune public en leur décrivant une musique sérieuse, qu’il faudra écouter en silence pour pouvoir assister au concert de Fianso, figure locale et nationale du rap français. Le premier concert, à la sonorisation défaillante et compliquée par le bruit des jeunes spectateurs, est ponctué d’appels insistants au calme. Dans le public et sur scène, certains s’énervent. Quand le concert de Fianso commence, les plus âgés partent ; les plus jeunes se lèvent et participent pleinement à la performance du rappeur. Chaque partie du public semble avoir subi la musique de l’autre.
Je centrerai mon propos sur le concert classique. Pourquoi sa médiation a-t-elle été un échec, au moins partiel, rendu manifeste par le bruit du public ? En d’autres termes, pourquoi la musique classique n’a-t-elle pu exister comme une musique actuelle ? Dans une démarche nourrie d’empirisme, j’investirai ce questionnement à travers les plans du son, des modalités d’attention et de participation du public, pour aborder enfin ce que la performance musicale représente des possibilités d’existence présentes et à venir d’un ensemble social.
Cette communication et toutes celles du colloque "Le son et la musique au prisme des Sound Studie... more Cette communication et toutes celles du colloque "Le son et la musique au prisme des Sound Studies" sont à écouter à cette adresse : https://soundcloud.com/user-897145586/sets/le-son-et-la-musique-au-prisme-des-sound-studies-sound-and-music-in-the-prism-of-sound-studies/s-mBKhS
Le soir du 16 mars 1937, à Clichy, la police du Front populaire tire sur des militants de gauche venus manifester contre un rassemblement du parti social français, qu’ils considèrent comme une organisation fasciste. Outre plusieurs centaines de blessés, on compte notamment les décès de cinq manifestants communistes.
Le 21 mars, leurs obsèques collectives, toujours à Clichy, rassembleront un cortège qui, partant de Paris, comptera plusieurs centaines de milliers de personnes. On y chante l’Internationale et on y crie des slogans choisis à l’avance. On peut aussi y entendre neuf Harmonies et une grande chorale. À Clichy même, plusieurs orateurs du Front populaire parlent au micro avant l’inhumation des cinq militants.
Le 27 mars, les dépouilles de quatre d’entre eux sont exhumées. Chacun sera inhumé définitivement dans la ville qu’il habitait avant de mourir. Pour trois d’entre eux, il s’agit de villes de la banlieue parisienne qui sont toutes des territoires de la gauche. Des funérailles individuelles sont organisées et donnent lieu à trois cortèges, qui rassemblent chacun plusieurs milliers de personnes. Le caractère politique de chaque cortège est affirmé par les airs révolutionnaires joués par les harmonies et les drapeaux rouges portés par les manifestants. Dans chacun des trois cimetières, des discours seront prononcés par des représentants de la République ou d’organisations politiques. Ce jour-ci, en revanche, aucun cri ni aucun chant.
Alors que les cortèges du 21 et du 27 mars sont suscités par le même événement, sont animés par les mêmes acteurs partisans et qu’ils ont le même objet, quels sens prennent les cris et les chants des uns et le silence total des autres ?
Pour tenter de répondre à cette question, son(s) et silence(s) seront les initiateurs et les objets centraux d’une enquête bâtie sur l’analyse d’archives de la presse partisane et de la police parisienne. Celles-ci font traces d’une économie des types de productions sonores et de leur absence, qui participe à construire les situations de pratique politique collective et publique, et qu’il s’agira de comprendre. Cette économie politique du son et du silence sera considérée comme un moyen d’accès décisif aux modalités d’existence des pratiques politiques, dont deux des éléments – usages de la voix et espaces – seront particulièrement scrutés.
Uploads
Thesis Chapters by Jonathan THOMAS
Books by Jonathan THOMAS
Projet hébergé par le Cral (EHESS/CNRS) et soutenu par la Région Ile-de-France dans le cadre du Domaine d’intérêt majeur « Matériaux anciens et patrimoniaux » en partenariat avec le Département son, vidéo, multimédia de la BnF, le Pôle numérique recherche de l’EHESS, et le Larhra (ENS-Lyon).
Par leurs choix de musiques et de documents historiques édités, d’images et de textes de pochette, les disques de la Serp deviennent le relais d’une politique du ressentiment et d’une révision de l’histoire récente. Jonathan Thomas propose une analyse inédite de la mobilisation du disque par l’extrême droite et redécouvre ainsi un pan oublié de l’histoire du disque politique en France.
Papers by Jonathan THOMAS
en France au 20e siècle. Il introduit le nouveau concept de « médiateur fluide», qui
décrit la capacité de ces disques, porteurs de cultures politiques sonores, à se faire entendre
dans des espaces sociaux hostiles à ces cultures. À partir de cas historiques, cette
capacité est analysée au prisme de l’imaginaire et des temporalités du disque et du son
enregistré.
Talks by Jonathan THOMAS
Si nous suivons Philippe Le Guern, l’expression « musiques actuelles » désigne, en France et depuis les années 1990, une catégorie rassemblant des genres musicaux hétérogènes et contemporains, née de la mobilisation de ces genres par des politiques culturelles. Une musique serait ainsi « actuelle » quand elle permettrait à une institution publique d’agir sur un public pour le faire agir, et qu’elle ne serait pas de la musique classique. Un tel postulat ne dit toutefois pas comment et ce qu’il faut à une musique pour exister, en performance, comme une musique actuelle. Je propose d’interroger la dimension politique constitutive de cette catégorie à travers mon expérience de spectateur d’un festival de musique organisé par une mairie de Seine-Saint-Denis.
Ce festival d’été en plein air proposait, sur une journée, une alternance de concerts de musique classique et de rap. Considérant le public, la diversité des âges associée aux attachements stéréotypiques des plus âgés à la musique classique et des plus jeunes, nombreux, au rap, laisse deviner le but recherché par cet effort de politique culturelle : faire se rassembler et échanger des publics séparés par leur culture esthétique, leur appartenance générationnelle, et, probablement, leur situation géographique dans la ville.
J’assiste à tout ou partie des deux derniers concerts et constate que cette opération est malaisée. Les présentateurs du festival introduisent le premier concert – des pièces de J.C. Bach et F. Schubert pour chœur et orchestre – auprès du jeune public en leur décrivant une musique sérieuse, qu’il faudra écouter en silence pour pouvoir assister au concert de Fianso, figure locale et nationale du rap français. Le premier concert, à la sonorisation défaillante et compliquée par le bruit des jeunes spectateurs, est ponctué d’appels insistants au calme. Dans le public et sur scène, certains s’énervent. Quand le concert de Fianso commence, les plus âgés partent ; les plus jeunes se lèvent et participent pleinement à la performance du rappeur. Chaque partie du public semble avoir subi la musique de l’autre.
Je centrerai mon propos sur le concert classique. Pourquoi sa médiation a-t-elle été un échec, au moins partiel, rendu manifeste par le bruit du public ? En d’autres termes, pourquoi la musique classique n’a-t-elle pu exister comme une musique actuelle ? Dans une démarche nourrie d’empirisme, j’investirai ce questionnement à travers les plans du son, des modalités d’attention et de participation du public, pour aborder enfin ce que la performance musicale représente des possibilités d’existence présentes et à venir d’un ensemble social.
Le soir du 16 mars 1937, à Clichy, la police du Front populaire tire sur des militants de gauche venus manifester contre un rassemblement du parti social français, qu’ils considèrent comme une organisation fasciste. Outre plusieurs centaines de blessés, on compte notamment les décès de cinq manifestants communistes.
Le 21 mars, leurs obsèques collectives, toujours à Clichy, rassembleront un cortège qui, partant de Paris, comptera plusieurs centaines de milliers de personnes. On y chante l’Internationale et on y crie des slogans choisis à l’avance. On peut aussi y entendre neuf Harmonies et une grande chorale. À Clichy même, plusieurs orateurs du Front populaire parlent au micro avant l’inhumation des cinq militants.
Le 27 mars, les dépouilles de quatre d’entre eux sont exhumées. Chacun sera inhumé définitivement dans la ville qu’il habitait avant de mourir. Pour trois d’entre eux, il s’agit de villes de la banlieue parisienne qui sont toutes des territoires de la gauche. Des funérailles individuelles sont organisées et donnent lieu à trois cortèges, qui rassemblent chacun plusieurs milliers de personnes. Le caractère politique de chaque cortège est affirmé par les airs révolutionnaires joués par les harmonies et les drapeaux rouges portés par les manifestants. Dans chacun des trois cimetières, des discours seront prononcés par des représentants de la République ou d’organisations politiques. Ce jour-ci, en revanche, aucun cri ni aucun chant.
Alors que les cortèges du 21 et du 27 mars sont suscités par le même événement, sont animés par les mêmes acteurs partisans et qu’ils ont le même objet, quels sens prennent les cris et les chants des uns et le silence total des autres ?
Pour tenter de répondre à cette question, son(s) et silence(s) seront les initiateurs et les objets centraux d’une enquête bâtie sur l’analyse d’archives de la presse partisane et de la police parisienne. Celles-ci font traces d’une économie des types de productions sonores et de leur absence, qui participe à construire les situations de pratique politique collective et publique, et qu’il s’agira de comprendre. Cette économie politique du son et du silence sera considérée comme un moyen d’accès décisif aux modalités d’existence des pratiques politiques, dont deux des éléments – usages de la voix et espaces – seront particulièrement scrutés.
Projet hébergé par le Cral (EHESS/CNRS) et soutenu par la Région Ile-de-France dans le cadre du Domaine d’intérêt majeur « Matériaux anciens et patrimoniaux » en partenariat avec le Département son, vidéo, multimédia de la BnF, le Pôle numérique recherche de l’EHESS, et le Larhra (ENS-Lyon).
Par leurs choix de musiques et de documents historiques édités, d’images et de textes de pochette, les disques de la Serp deviennent le relais d’une politique du ressentiment et d’une révision de l’histoire récente. Jonathan Thomas propose une analyse inédite de la mobilisation du disque par l’extrême droite et redécouvre ainsi un pan oublié de l’histoire du disque politique en France.
en France au 20e siècle. Il introduit le nouveau concept de « médiateur fluide», qui
décrit la capacité de ces disques, porteurs de cultures politiques sonores, à se faire entendre
dans des espaces sociaux hostiles à ces cultures. À partir de cas historiques, cette
capacité est analysée au prisme de l’imaginaire et des temporalités du disque et du son
enregistré.
Si nous suivons Philippe Le Guern, l’expression « musiques actuelles » désigne, en France et depuis les années 1990, une catégorie rassemblant des genres musicaux hétérogènes et contemporains, née de la mobilisation de ces genres par des politiques culturelles. Une musique serait ainsi « actuelle » quand elle permettrait à une institution publique d’agir sur un public pour le faire agir, et qu’elle ne serait pas de la musique classique. Un tel postulat ne dit toutefois pas comment et ce qu’il faut à une musique pour exister, en performance, comme une musique actuelle. Je propose d’interroger la dimension politique constitutive de cette catégorie à travers mon expérience de spectateur d’un festival de musique organisé par une mairie de Seine-Saint-Denis.
Ce festival d’été en plein air proposait, sur une journée, une alternance de concerts de musique classique et de rap. Considérant le public, la diversité des âges associée aux attachements stéréotypiques des plus âgés à la musique classique et des plus jeunes, nombreux, au rap, laisse deviner le but recherché par cet effort de politique culturelle : faire se rassembler et échanger des publics séparés par leur culture esthétique, leur appartenance générationnelle, et, probablement, leur situation géographique dans la ville.
J’assiste à tout ou partie des deux derniers concerts et constate que cette opération est malaisée. Les présentateurs du festival introduisent le premier concert – des pièces de J.C. Bach et F. Schubert pour chœur et orchestre – auprès du jeune public en leur décrivant une musique sérieuse, qu’il faudra écouter en silence pour pouvoir assister au concert de Fianso, figure locale et nationale du rap français. Le premier concert, à la sonorisation défaillante et compliquée par le bruit des jeunes spectateurs, est ponctué d’appels insistants au calme. Dans le public et sur scène, certains s’énervent. Quand le concert de Fianso commence, les plus âgés partent ; les plus jeunes se lèvent et participent pleinement à la performance du rappeur. Chaque partie du public semble avoir subi la musique de l’autre.
Je centrerai mon propos sur le concert classique. Pourquoi sa médiation a-t-elle été un échec, au moins partiel, rendu manifeste par le bruit du public ? En d’autres termes, pourquoi la musique classique n’a-t-elle pu exister comme une musique actuelle ? Dans une démarche nourrie d’empirisme, j’investirai ce questionnement à travers les plans du son, des modalités d’attention et de participation du public, pour aborder enfin ce que la performance musicale représente des possibilités d’existence présentes et à venir d’un ensemble social.
Le soir du 16 mars 1937, à Clichy, la police du Front populaire tire sur des militants de gauche venus manifester contre un rassemblement du parti social français, qu’ils considèrent comme une organisation fasciste. Outre plusieurs centaines de blessés, on compte notamment les décès de cinq manifestants communistes.
Le 21 mars, leurs obsèques collectives, toujours à Clichy, rassembleront un cortège qui, partant de Paris, comptera plusieurs centaines de milliers de personnes. On y chante l’Internationale et on y crie des slogans choisis à l’avance. On peut aussi y entendre neuf Harmonies et une grande chorale. À Clichy même, plusieurs orateurs du Front populaire parlent au micro avant l’inhumation des cinq militants.
Le 27 mars, les dépouilles de quatre d’entre eux sont exhumées. Chacun sera inhumé définitivement dans la ville qu’il habitait avant de mourir. Pour trois d’entre eux, il s’agit de villes de la banlieue parisienne qui sont toutes des territoires de la gauche. Des funérailles individuelles sont organisées et donnent lieu à trois cortèges, qui rassemblent chacun plusieurs milliers de personnes. Le caractère politique de chaque cortège est affirmé par les airs révolutionnaires joués par les harmonies et les drapeaux rouges portés par les manifestants. Dans chacun des trois cimetières, des discours seront prononcés par des représentants de la République ou d’organisations politiques. Ce jour-ci, en revanche, aucun cri ni aucun chant.
Alors que les cortèges du 21 et du 27 mars sont suscités par le même événement, sont animés par les mêmes acteurs partisans et qu’ils ont le même objet, quels sens prennent les cris et les chants des uns et le silence total des autres ?
Pour tenter de répondre à cette question, son(s) et silence(s) seront les initiateurs et les objets centraux d’une enquête bâtie sur l’analyse d’archives de la presse partisane et de la police parisienne. Celles-ci font traces d’une économie des types de productions sonores et de leur absence, qui participe à construire les situations de pratique politique collective et publique, et qu’il s’agira de comprendre. Cette économie politique du son et du silence sera considérée comme un moyen d’accès décisif aux modalités d’existence des pratiques politiques, dont deux des éléments – usages de la voix et espaces – seront particulièrement scrutés.
Abstract : Le disque politique, ce disque produit dans le but de servir à des pratiques politiques par des entreprises dédiées, a commencé à exister, en France, à partir de 1929, tant chez l’Action française que chez les partis socialiste, puis communiste, avant son hibernation des temps de guerre et d’Occupation. Conçu pour diffuser chants et discours politique dans les meetings et chez les militants, publicisé comme tel, il est alors un moyen explicite de démultiplier les lieux de la présence sonore des pratiques politiques, et d’investir de sons partisans le quotidien de ses auditeurs.
Mais le disque ne connaît alors ni l’accessibilité économique, ni les qualités techniques qui en feront, après la Seconde Guerre mondiale, le medium central de la consommation massive et à volonté de la musique et du son fixé.
C’est dans cette période de croissance continue de l’industrie musicale que Jean-Marie Le Pen fonde la SERP (1963), une maison de disques au catalogue très orienté vers les cultures politiques d’extrême-droite, mais dont la présentation des disques tente d’en dissimuler la valeur pratique, niant leur puissance politique pour lui permettre d’exister.
Ainsi, de 1929 à 1963, des premiers disques politiques à ceux de la SERP, le disque voit la publicisation de sa qualité « politique » suivre la trajectoire inverse de celle de sa démocratisation : plus le disque est ordinaire et quotidien, moins on publicise sa puissance politique, alors qu’il gagne pourtant, quand apparaissent les disques vinyles, des qualités objectales (illustrations et notes de pochette) qui en font un meilleur objet politique. Cette intervention proposera d’exposer le disque comme un objet politique du quotidien instable dans son usage et son identification, en explicitant ses manières d’êtres dans des temps différents, et de comprendre ainsi comment il est investi d’un pouvoir politique, quel est le sens historique de ce pouvoir, et ce que les acteurs de pratiques politiques cherchent, à travers lui, à faire.
Cette intervention invitera ainsi à un vaste questionnement sur les pouvoirs du son et de la voix amplifiés par le haut-parleur, les effets de leur puissance et de leur ubiquité nouvelles, les bénéfices politiques et les situations de violence sonore qu’ils induisent. Pour ce faire, elle investiguera un corpus d’articles de la presse politique de 1923 à 1939, pour majorité tirés des grands quotidiens de l’Action française et des partis communiste, radical et socialiste. Les fréquentes occurrences du haut-parleur y témoignent de la réception de ses manifestations publiques, alors qu’il est encore en phase d’adoption, d’assignation d’usages et de propagation. Répertoire des pratiques et des discours de célébration ou de détestation du haut-parleur, ce corpus fera l’objet d’une analyse qui liera l’imaginaire technologique de l’appareil à ses pratiques politiques, en tentant de répondre à cette question : que disent ses usages politiques, et les autres, sur les manières de penser l’organisation présente et à venir du monde que doit saisir le politique ?
Les musiques que j’entends évoquer ici ne sont pas nées avec les techniques de reproduction mécanisée du son et doivent d’abord leur diffusion historique aux possibilités d’échanges offertes par leurs pratiques collectives. Leur diffusion par le disque modifie, et peut-être amplifie, leur potentiel d’opérabilité sur le plan politique à la mesure de leur nouvelle (ré-)accessibilité.
La légitimité d’une musique à figurer au catalogue de la SERP lui est avant tout attribuée pour sa capacité à être conçue et perçue comme « populaire », pour et par le Peuple, au terme d’une réflexion nourrie de politique et d’idéologie. Ces musiques sont voulues et choisies symbolisant le peuple, échantillons de ce qui doit circuler en son sein. Elles gagnent ainsi l’appellation de « populaire » quand elles s’accordent à un imaginaire idéologique partagé, où circule une définition du peuple comme communauté traditionnelle française nationaliste, catholique, et anticommuniste.
Cette communication traitera ainsi des qualités et des effets attendus de la production musicale de la SERP, c’est-à-dire de ce que peuvent y être des « musiques populaires », pour qui et pour quoi.
Deux périodes de la production musicale de la SERP seront abordées. L’une, idéologique, correspond à la direction de Le Pen et montre les attributs identitaires de la musique impliquer son matériau : c’est le moment d’une musique de répertoire traditionnel. L’autre, politique, après la direction de Le Pen, voit l’usage politique possible de la musique prendre le pas sur les visées de signifiance identitaire de son matériau : c’est notamment le moment du RIF (Rock Identitaire Français). Dans ces deux cas, le discours sur la musique permettra de s’ouvrir à la compréhension d’éléments d’une histoire de l’extrême-droite, des idées et conceptions de ses acteurs et des configurations de leurs temps. Il s’agira donc, en cherchant une définition des « musiques populaires » dans le contexte de la SERP, d’aborder par un chemin peu emprunté les champs politique et idéologique d’une certaine extrême-droite française.
Cet exposé se construira autour de l’analyse des répertoires musicaux SERP considérés (chanson, musiques chorales, musique militaire) dans la perspective des usages politiques qu’ils offrent, de notes de pochettes de disques SERP, d’entretiens et d’extraits de presse.
Purchase: https://www.lespressesdureel.com/ouvrage.php?id=6082&menu=2
Quoi de commun entre un label de musique d’extrême-droite fondé par Jean-Marie Le Pen, la recherche sur le rap en Afrique, le parcours de vie d’un militant communiste adepte du rock, le sampling dans le rap palestinien, la sémiologie de Bowie, les questions existentielles de musiciens pop en Suisse, la trajectoire sociale de musiciens punks portugais ou le croisement des langues chez la Mano Negra ? Rien, et c’est tout le propos de ce numéro Varia de la revue Volume ! auquel 35 auteurs ont contribué.
In this new Varia issue of Volume !, 35 authors tackle an eclectic set of subjects such as the creation of a far-right music label by National Front leader Jean-Marie Le Pen, rap studies in Africa, the life of a Communist activist and rock fan, sampling in Palestinian rap (in Lebanon), David Bowie semiotics, pop music's existential questions in Switzerland, Portuguese punks' career paths and Mano Negra's linguistic play.
fascists, the war was a means to strengthen the autonomy and prestige of the regime following the
military successes in Ethiopia (1935-6) and Albania (1939). Early setbacks in Greece and North
Africa, however, dashed fascist hopes for a successful ‘parallel war’ fought independently from the
Nazis. As the military endeavours failed, culture took an increased centrality as a means of affirming
Italian prestige within the Axis’ new order. After the famous economic and technological ‘battles’
of the 1920s and 1930s – for ‘grain’, for ‘the lira’, for ‘the land’, for ‘births’ – the fascist regime
undertook a final battle in the field of culture. According to the Minister Giuseppe Bottai, in
wartime Europe, Italy was the only and best guardian of civilisation and culture.
Since the end of the 1930s, the cultural resistance of Italian fascism was increasingly practiced
both inside the nation, with songs recorded on discs, and across its borders, by means of radio
broadcasts designed for allied countries such as Hungary and Romania. Through sonic recordings
and broadcast, the thwarted Italian Empire continued to exist at least on a symbolic level and to
revendicate its Lebensraum in the Mediterrenean while maintaining a dialectic of resistance and
alliance with Nazi Germany.
The complex nexus between propaganda, cultural diplomacy and cultural resistance, increasingly
foregrounded in recent historiography, have been scarcely investigated by musicologists and sound
scholars alike. By focusing on a set of musical and archival sources, this paper aims to understand
the role of sounds in shaping this process of national crisis, imperialist ambitions and ideological
bankruptcy, thus sheding new light on a relatively unknown chapter of Italian fascist culture.